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Secret professionnel ou devoir de discrétion?

  • carole laurain
  • 22 févr.
  • 5 min de lecture


Je vous propose, avant d'entrer dans le vif du sujet, de rappeler les définitions du secret professionnel et du devoir de discrétion, histoire qu'on sache de quoi on cause... :


Le secret professionnel est une obligation légale inscrite dans le Code pénal suisse, à l’article 321 CP. Il offre une protection renforcée aux informations confidentielles des patients et comporte des conséquences juridiques en cas de violation. Les professionnels soumis au secret professionnel ne peuvent généralement pas être contraints de témoigner devant un tribunal sur des faits protégés par ce secret, sauf exceptions prévues par la loi.
Le devoir de discrétion, en revanche, est une obligation déontologique ou contractuelle. Bien qu’il vise également à protéger la confidentialité des informations des clients, il n’offre pas les mêmes garanties légales. En cas de conflit judiciaire, un professionnel tenu uniquement au devoir de discrétion ne peut pas refuser de témoigner en justice sur des informations confidentielles.


engin akyurt on Unsplash


Si vous êtes thérapeute complémentaire à Genève, vous faites partie du monde de la santé. En effet, la Loi sur la Santé du canton de Genève, dans son chapitre VII, inclut les thérapeutes complémentaires et stipule que leurs droits et obligations sont applicables « par analogie » à ceux des professionnels de la santé (art. 99 al. 4).


Concernant les droits et obligations, l’article 86 de cette même loi mentionne que les professionnels de la santé sont soumis au secret professionnel, tel que défini à l’article 321 CP (code pénal suisse). Du coup, on pourrait légitimement se sentir concerné.e par cette obligation, en tant que thérapeute…


Cependant, l’article 321 CP ne liste pas explicitement les thérapeutes complémentaires parmi les professions soumises au secret professionnel.


Cette omission soulève une question importante : le terme « par analogie » est-il suffisant pour que les thérapeutes complémentaires soient soumis aux mêmes obligations légales que les autres acteurs de la santé?


Parallèlement à cela, la nouvelle loi sur la protection des données, en vigueur depuis septembre 2023, a entraîné de nouvelles obligations au niveau de l’organisation, de la protection et du renseignement pour celles et ceux qui traitent des données sensibles. Cela concerne donc bien évidemment aussi les acteurs de la TC.


Cette nouvelle loi a engendré une révision totale de la question du devoir de discrétion/secret professionnel, révision qui fait l’objet d’un avis de droit du Dr Ettler, docteur en droit, avis que vous pouvez trouver sur le site de l’Orta TC (à condition de vraiment bien chercher… Allez, je suis sympa, le voici : https://www.oda-kt.ch/fileadmin/user_upload/pdf/F/Merkblaetter_F/240405_Schweigepflicht_und_Datenschutz_fr.pdf).


Il s’avère que fondamentalement, seuls quelques points différencient le secret professionnel du devoir de discrétion :


  • si un thérapeute doit témoigner devant un tribunal, il ne sera pas protégé par le devoir de discrétion et sera obligé de se présenter.


  • si une thérapeute se trouve face à un enfant dont elle soupçonne que son intégrité physique, psychique ou sexuelle est menacée, elle pourra aviser les autorités (et n’y sera pas obligée, comme elle l’aurait été si elle avait été soumise au secret professionnel). Attention, s’il y a des indices concrets, elle aura l’obligation d’aviser les autorités.


  • en cas de non-respect du devoir de discrétion, le thérapeute sera puni d’une amende, selon la Loi sur la Protection des données alors que le non-respect du secret professionnel peut être sanctionné d’une peine privative de liberté de 3 ans au plus ou d'une peine pécuniaire.


A la lecture de ce texte du Dr Ettler, une question légitime se pose : en cas de conflit entre la loi cantonale et le droit fédéral, est-ce la règle la plus restrictive qui s’applique? Cette interrogation est d’autant plus cruciale que les conséquences juridiques pour un thérapeute diffèrent considérablement selon qu’il soit soumis au secret professionnel ou simplement au devoir de discrétion.


Devant cette ambiguïté juridique, en tant que praticienne dans le canton de Genève, je suis allée à la source et ai contacté le Dr Ettler afin d’avoir des éclaircissements sur plusieurs points, éclaircissements qu’il a bien voulu apporter, avec beaucoup de clarté et de gentillesse :


  • A propos des différences entre droit cantonal et fédéral, à savoir si c’est la plus restrictive qui « gagne » : il s’avère que c’est toujours le droit fédéral qui est prioritaire. La compétence en matière de droit pénal est exclusivement fédérale, comme le stipule l’article 123 de la Constitution fédérale. Par conséquent, aucune loi cantonale ne peut élargir le cercle des professions soumises au secret professionnel défini à l’article 321 CP. Ainsi, les thérapeutes complémentaires ne sont pas être soumis au secret professionnel, qu’ils travaillent à Genève ou ailleurs en Suisse.


  • L’article 99 al. 4 de la loi genevoise sur la santé précise que les droits et devoirs des professionnels de la santé s’appliquent aux thérapeutes complémentaires « par analogie ». En vérité, cela signifie que les thérapeutes complémentaires ne sont pas soumis strictement aux règles applicables aux professions de santé énumérées à l’article 321 CP, mais qu’une adaptation de ces règles peut être envisagée lorsque cela est pertinent. En l’absence de base légale stricte, les thérapeutes complémentaires sont soumis au devoir de discrétion, et non au secret professionnel.


  • Finalement, au niveau des conséquences pratiques, car c’est cela qui nous intéresse, l’avis de droit du Dr Ettler explique que les protections offertes par ce devoir de discrétion sont moindres que celles prévues par le secret professionnel, quand bien même les thérapeutes complémentaires sont soumis à un devoir de confidentialité. En cas de conflit judiciaire par exemple, un thérapeute ne pourra pas refuser de témoigner en invoquant l’article 321 CP, car il ne fait pas partie des professions listées dans cet article.



Impact de cet avis de droit sur la pratique des thérapeutes complémentaires


Cet avis a des implications importantes pour les thérapeutes complémentaires. Il confirme qu’ils ne bénéficient pas de la même protection juridique que les professionnels de santé soumis au secret professionnel. Concrètement, cela signifie que :


  • Ils doivent être conscients des limites de leur obligation de confidentialité, notamment en cas de procédures judiciaires.


  • Ils doivent informer clairement leurs clients que leurs informations confidentielles ne sont pas protégées par le secret professionnel, mais par le devoir de discrétion.


  • Ils doivent s’assurer que leurs pratiques respectent les cadres légaux définis par la loi cantonale et fédérale.



Est-ce que cela change quelque chose pour vos clients.es?


Si nécessaire et que le sujet arrive sur le tapis, vous pouvez informer vos clients que, conformément à l'avis de droit du Dr Peter Ettler et à la législation en vigueur, vous êtes soumis au devoir de discrétion et non au secret professionnel. N’hésitez pas expliquer que sur le fond, cela ne change rien : vous avez toujours l'obligation de traiter les informations les concernant avec la plus grande confidentialité et qu’éthiquement, vous vous engagez à protéger, dans le cadre de la loi, le contenu du cadre thérapeutique.



giammarco boscaro on Unsplash


Sitographie :





 
 
 

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