Urgence vitale, red flag ou orange flag?
- carole laurain
- 22 févr.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 juil.
Les notions d'urgence vitale, de red flag (signal d'alerte) ou orange flag (signal d'alerte, mais... moins) sont des concepts fondamentaux de la thérapie complémentaire selon l'Ortra TC car ils constituent les limites de notre pratique. Reconnaître et différencier ces différentes situations est essentiel pour garantir le bien-être et la sécurité de nos clients.es.
En outre, ces notions font systématiquement l'objet de questions lors de l'EPS, il vaut donc mieux maîtriser le sujet avant de se lancer dans l'aventure du diplôme fédéral...
En tant que thérapeute complémentaire, notre rôle est d'accompagner nos clients dans leur cheminement vers l'autonomie. Cependant, il est crucial de respecter les limites de notre pratique, notamment en identifiant les situations où nos compétences sont dépassées et où une intervention médicale ou spécialisée est nécessaire.
Les notions d'urgences vitales, de red flags et d'orange flags jouent ici un rôle central. Ces concepts permettent de distinguer les situations qui relèvent de notre compétence de celles qui nécessitent une prise en charge par d'autres professionnels de la santé.
Je vous propose d'explorer ces trois catégories, leur importance et leur application dans le cadre de la thérapie complémentaire.
1. Qu’est-ce qu’une urgence vitale ?
Une urgence vitale correspond à une situation où la vie d’une personne est immédiatement mise en danger et où une action rapide est indispensable. Ces situations nécessitent une intervention immédiate, souvent par des gestes de premiers secours, avant l’arrivée des services d’urgence. En résumé et sans vouloir vous mettre la pression, si vous ne faites rien, la personne risque de mourir ou d'être atteinte gravement dans sa santé.

Exemples d’urgences vitales :
Arrêt cardiaque nécessitant une réanimation cardio-pulmonaire (RCP) ou l'utilisation d'un défibrillateur (carte de la Suisse avec l'emplacement de défibrillateurs : www.defikarte.ch).
Étouffement nécessitant une manœuvre de Heimlich (https://youtu.be/aavBG7bHZ64?si=rCjz1ld7Sgzi-tGj).
Hémorragie sévère ou incontrôlable (plutôt rare en cabinet, je vous l'accorde...).
Crise suicidaire aiguë.
Signes d'un AVC (souvenez-vous de l'acronyme FAST - https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2010-06/questions_reponses_avc_def.pdf).
Dans ces cas, l’intervention du thérapeute est cruciale pour stabiliser la situation en attendant les secours (p. ex. : appeler le 144, ou effectuer les gestes de premiers secours que vous avez appris durant le module BM1-3 de votre formation). Evidemment, ces situations dépassent largement le cadre de la thérapie complémentaire, et il est important de savoir reconnaître ces signaux pour agir vite.
S'agissant des urgences en santé mentale, le principe reste le même : si nous, en tant que thérapeutes, n'agissons pas, le risque que la personne soit en danger grave est réel. Il s'agit par exemple de crises de suicidalité aigüe : la personne a des idées suicidaires et un plan pour mettre ses idées à exécution. Dans ce cas, il ne faut pas que votre client.e quitte le cabinet seul.e : soit vous faites appel aux urgences psychiatriques de votre canton (ou au 144), soit vous attendez qu'un ami ou membre de la famille de la personne (qu'elle vous aura indiqué) vienne la prendre en charge jusqu'à ce qu'il soit possible d'atteindre un médecin ou autre spécialiste.
Définition de l'urgence vitale selon l'Ortra TC : "On désigne par urgence une situation où la mort ou, à tout le moins, un cours désastreux ne peut être empêché que par un appel d’urgence ou une action immédiate sur la personne concernée (p. ex. par un positionnement ad hoc en cas de choc ou de perte de conscience, par hémostase, respiration artificielle ou massage cardiaque, etc.). Exemples: arrêt respiratoire après une blessure, choc circulatoire, arrêt cardiaque suite à un infarctus ou embolie pulmonaire, risque de suffocation en cas de crise d’asthme aiguë ou d’apparition de nouveaux symptômes neurologiques (comme par exemple des paralysies, des pertes de sensibilité, des troubles de la parole comme signes possibles d’un accident vasculaire cérébral). La suicidalité aiguë est considérée comme faisant partie des situations d’urgence psychique."
2. Les red flags : des signaux d’alerte graves
Un red flag (ou drapeau rouge) désigne un symptôme ou un ensemble de symptômes qui pourraient indiquer un problème de santé grave nécessitant une intervention médicale rapide. Contrairement aux urgences vitales, les red flags ne nécessitent pas une action immédiate de notre part, mais plutôt une redirection rapide du client vers un professionnel de santé compétent. C'est donc le client qui est responsable de l'action qui devra être entreprise par lui.
Pourquoi est-il crucial de reconnaître les red flags ?
En tant que thérapeute complémentaire, vous n’êtes pas habilité à poser un diagnostic médical. Cependant, vous avez la responsabilité de repérer les signes qui indiquent que la situation dépasse vos compétences. Ignorer un red flag pourrait avoir des conséquences graves pour la santé de votre client.e et engager votre responsabilité.

Exemples de red flags physiques :
Douleurs thoraciques irradiant dans le bras gauche, le cou ou l’abdomen.
Difficultés respiratoires apparues récemment.
Vertiges, troubles visuels ou faiblesse musculaire soudaine.
Vomissements ou toux avec présence de sang.
Œdème soudain.
Exemples de red flags psychologiques :
Pensées suicidaires récentes ou récurrentes (sans plan précis)
Détresse émotionnelle ou confusion mentale.
Isolement social marqué qui s'est installé rapidement ou changements d’humeur extrêmes.
Un excellent moyen de repérer un red flag c'est de vous dire "si c'était un membre de ma famille (que j'apprécie...) qui présentait ce symptôme, est-ce que je l'emmènerais aux urgences?". Si la réponse est oui, c'est très certainement un red flag!
Il y a un livre formidable sur la question, de Clare Stephenson, qui n'existe malheureusement qu'en anglais : "The Complementary Therapist's Guide to Red Flags and Referrals". Si vous connaissez un ouvrage sur le sujet en français, n'hésitez pas à partager l'info en commentaire ou en m'écrivant, j'ajouterai la référence ici.
Il y a également des applications qui peuvent aider à y voir plus clair. Personnellement, c'est l'application "Symptomate" que j'ai installée. En résumé, il s'agit de faire une courte évaluation des symptômes et au bout de quelques questions, on reçoit des causes possibles des symptômes ainsi que des recommandations sur la marche à suivre. C'est une application qui a été créée par des médecins, c'est en français et c'est un bon outil à garder sous le coude. Je m'en sers quand je dois convaincre la personne en face de moi que ses symptômes sont inquiétants et qu'il est primordial d'un consulter un.e spécialiste rapidement.
Que faire face à un red flag ?
Si vous identifiez un red flag, il est primordial d'orienter le client vers un professionnel de santé approprié (médecin, urgentiste, etc.) le plus rapidement possible (dans les 6 heures). Vous pouvez expliquer au client que la situation nécessite une expertise médicale pour garantir sa sécurité. Vous ne continuez évidemment pas la séance, mais vous pouvez lui proposer de continuer à l’accompagner une fois que ce problème aura été pris en charge.
En terme de santé mentale (voir symtômes plus haut), il n'est pas nécessaire d'arrêter la séance dès le red flag repéré. En revanche, la personne doit clairement être aidée ou soignée (et non pas accompagnée), et il est impératif de l'exprimer clairement et d'orienter la personne vers un spécialiste. Nous ne pouvons pas, en tant que thérapeute, prendre la responsabilité d'accompagner une personne qui souffre peut-être d'une dépression non diagnostiquée et encore moins soignée. Comme pour les red flags "physiques", vous pouvez proposer à la personne de l'accompagner une fois ses maux diagnostiqués et pris en charge.
Définition du red flag selon l'Ortra TC : La notion de red flag (drapeau rouge) désigne dans un contexte médical un symptôme ou un complexe de symptômes (comme données anamnestiques ou constats) qui pourrait possiblement indiquer une maladie ou une complication pouvant mettre en danger la vie de la personne concernée. Lorsque l’on constate une situation red flag, il est donc impératif d’effectuer sans attendre une clarification médicale (dans les 6 heures). Une situation red flag représente donc le niveau d’urgence le plus élevé en lien avec une clarification médicale. Il peut s’agir ici aussi bien de l’apparition de nouveaux symptômes que d’une aggravation d’une symptomatologie existante.
3. Les orange flags : des signaux préoccupants à moyen terme
Les orange flags (ou drapeaux orange) désignent des signes ou symptômes qui ne constituent pas une urgence immédiate mais qui nécessitent une prise en charge à court ou moyen terme. Ces signaux indiquent souvent un risque accru de complications ou de problèmes de santé à long terme s'ils sont ignorés.
Exemples d’orange flags :
Fatigue persistante ou inexpliquée.
Douleur chronique ou brûlures d’estomac importantes.
Perte de poids inexpliquée.
Grain de beauté suspect (changement de taille, couleur ou forme).
Symptômes dépressifs ou anxieux latents.
Que faire face à un orange flag ?
Dans ce cas, il est conseillé de recommander au client une consultation chez un spécialiste pour évaluer et clarifier la situation. Le degré d'urgence dépendra évidemment du ou des symtômes. Vous pouvez continuer à accompagner la personne dans l’intervalle, mais en mettant l’accent sur l’importance de cette démarche médicale.
Pour résumer :

Pourquoi ces notions sont-elles essentielles en thérapie complémentaire ?
Pour le respect des limites de notre pratique
La profession de thérapeute complémentaire repose sur des bases claires définies par l’ORTRA TC (Organisation des Thérapeutes Complémentaires). L’identification des urgences vitales, des red flags et des orange flags est essentielle pour garantir la sécurité des clients et protéger les thérapeutes sur le plan légal et éthique. Reconnaître nos limites est un élément fondamental de notre responsabilité professionnelle.
Pour protéger la santé des clients
Notre rôle n’est pas de diagnostiquer ou de traiter des pathologies graves, mais d’accompagner nos clients-es dans leur démarche pour retrouver un état de bien-être. En étant capable d'identifier les signaux d’alerte, nous jouons un rôle clé dans l’orientation vers les soins appropriés et les spécialistes qui pourront agir là où nous, nous ne pouvons pas.
Pour une meilleure collaboration avec les professionnels de santé
Les orange flags, en particulier, soulignent l’importance de travailler en collaboration avec des médecins et d’autres professionnels de santé. Pouvoir donner le nom, les coordonnées d'un dermatologue, d'un ostéopathe ou d'un service spécialisé renforce notre crédibilité et celle de la thérapie complémentaire. Cela démontre que nous ne travaillons pas dans une grotte mais que nous faisons bel et bien partie du monde de la santé!
Bref...
Reconnaître les urgences vitales, les red flags et les orange flags, c’est avant tout comprendre que la responsabilité de la santé appartient au client, mais que nous avons un rôle essentiel en tant qu’accompagnant. Notre mission est de repérer les signaux d’alerte, de les prendre au sérieux et de guider nos clients-es vers les ressources appropriées.
Pour aller plus loin :
N'hésitez pas à régulièrement faire des "refresh" de cours BLS-AED et sur les red flags (comme formation continue) pour vous rappeler des gestes de premiers secours et pouvoir intervenir en cas d’urgence vitale (Exemple de formation BM1-3 : https://www.equilibre-formation.ch/formations-professionnelles-ortra-tc-tronc-commun/)
Restez à jour sur les critères des red flags et orange flags afin de garantir une pratique sécurisée et professionnelle. C'est un devoir de veille qui fait partie de l'éthique du thérapeute complémentaire.
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